Conseil d’État n° 467076 du 21 septembre 2023
La société Alpes Constructions Contemporaines (A2C) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 18 octobre 2016 par lequel le maire de la Tronche a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l’édification de trois maisons individuelles, ensemble la décision du 31 janvier 2017 portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1701023 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20LY03555 du 28 juin 2022, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la société A2C contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 août et 30 novembre 2022 et le 13 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société A2C demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Tronche la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
….
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de La Tronche a refusé, par un arrêté du 18 octobre 2016, de délivrer à la société Alpes Constructions Contemporaines (A2C) un permis de construire trois maisons individuelles. Alors que cette société avait formé un recours contre cette décision devant le tribunal administratif de Grenoble, le maire de la Tronche, par un arrêté du 6 août 2018, a retiré son arrêté du 18 octobre 2016 et a accordé à la société A2C le permis de construire demandé. Toutefois, par un premier jugement du 8 octobre 2020, devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble, saisi par des voisins du projet en cause, a annulé l’arrêté du 6 août 2018. Par un second jugement de la même date, il a rejeté le recours de la société A2C contre le refus de permis de construire opposé par l’arrêté du 18 octobre 2016. Cette société se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 28 juin 2022 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son appel contre ce second jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 octobre 2020.
2. L’autorité de chose jugée s’attachant au dispositif d’un jugement, devenu définitif, annulant un permis de construire ainsi qu’aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l’absence de modification de la situation de droit ou de fait, le refus opposé antérieurement ou ultérieurement par l’autorité administrative à la demande d’un permis ayant le même objet soit annulé par le juge administratif dès lors que ce refus est fondé sur le même motif que celui ayant justifié l’annulation du permis de construire. Alors même que la légalité d’un refus de permis s’apprécie à la date à laquelle il a été pris, il appartient ainsi au juge de l’excès de pouvoir de prendre acte de l’autorité de la chose jugée s’attachant, d’une part, à l’annulation juridictionnelle devenue définitive du permis de construire ayant le même objet, délivré postérieurement à la décision de refus, et, d’autre part, aux motifs qui sont le support nécessaire de cette annulation.
3. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que pour confirmer la légalité de l’arrêté du 18 octobre 2016 par lequel le maire de La Tronche a refusé, sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, à raison des risques de glissement de terrain existant dans le secteur, à la société A2C, la délivrance du permis de construire qu’elle sollicitait, la cour s’est fondée, après avoir relevé l’absence de changement de circonstances de droit et de fait, sur l’autorité de la chose jugée s’attachant au jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Grenoble, devenu définitif, annulant, pour le même motif que celui fondant le refus de permis contesté, le permis de construire ayant le même objet et délivré par le maire de La Tronche à la société A2C le 6 août 2018, soit postérieurement à ce refus de permis.
4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu’en se fondant ainsi, pour apprécier la légalité de la décision de refus de permis de construire attaquée, sur l’autorité de la chose jugée s’attachant aux motifs d’un jugement devenu définitif annulant un permis délivré postérieurement et ayant le même objet, en relevant l’absence de changement de circonstances de fait ou de droit, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.
5. En deuxième lieu, la circonstance que, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Grenoble a, outre la méconnaissance de l’article R. 111-2 du même code, retenu dans son jugement du 8 octobre 2020 annulant le permis de construire du 6 août 2018 quatre autres moyens, ne fait pas obstacle à ce que ce motif tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-2, qui suffisait à lui seul à justifier la solution retenue par le tribunal, puisse être regardé comme un support nécessaire du dispositif de ce jugement, auquel s’attache l’autorité de la chose jugée.
….
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de la société A2C est rejeté.
Article 2 : La société A2C versera une somme de 3 000 euros à la commune de La Tronche au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Alpes Constructions Contemporaines et à la commune de La Tronche.
Référence : Conseil d’État n° 467076 du 21 septembre 2023.
Urbanisme pratique n° 464 du 26 octobre 2023.
Soulignons que le jugement annulant un permis qui n’a pas fait l’objet d’un recours en cassation est revêtu de l'autorité de la chose jugée. Celle-ci vaut pour le dispositif du jugement ainsi que pour les motifs qui en sont le support nécessaire. S’il n’y a pas eu modification de la situation de droit ou de fait, le refus opposé antérieurement ou ultérieurement par l'autorité administrative à la demande d'un permis ayant le même objet doit être annulé par le juge administratif selon la même motivation dès lors que ce refus est fondé sur le même motif que celui ayant justifié l'annulation du permis de construire. Certes, saisi d’un recours contre un refus de permis, le juge doit apprécier sa légalité au jour où ce refus a été pris. Mais cela ne l’empêche pas de prendre acte de l'autorité de la chose jugée s'attachant, d'une part, à l'annulation juridictionnelle devenue définitive du permis de construire ayant le même objet, délivré postérieurement à la décision de refus, et, d'autre part, aux motifs qui sont le support nécessaire de cette annulation.
(CE 21/09/2023, n° 467076, Publié au recueil Lebon).
Marc GIRAUD le 26 octobre 2023 - n°464 de Urbanisme Pratique
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